A la lisière de la forêt, entre Dommartin et Vuillecin, se dresse une modeste chapelle. Elle porte un nom étrange : Niai Nion ou selon la carte de la région : Gnégnon. De cet endroit la vue s'étend sur la Chaux d'Arlier, Pontarlier et les hauteurs du Larmont. Tout est calme, favorable au recueillement, mais dans un passé lointain cet endroit fut le théâtre d'évènements douloureux.
En effet, en 1636, la peste noire dévasta la contrée et multiplia les terres dans les cimetières dits des Bossus. Par crainte de la contagion, les malades de Dommartin, Houtaud et sans doute Vuillecin, étaient conduits, à quelques centaines de mètres du village, dans un val étroit abrité par la forêt, à proximité d’une source. Une personne originaire de Bannans, Jeanne Laignier, se fit bénévolement leur infirmière. Hélas ! à son tour elle fut atteinte par la terrible maladie et répétais tristement en patois : « lai soigni lès autres et niai nion pou m’soigni ! » c'est-à-dire : « j’ai soigné les autres et je n’ai personne pour me soigner ». Niai nion, je n’ai personne, est devenu le nom de chapelle. Jeanne Laignier rejoignit dans le cimetière les 120 pestiférés qui y furent enterrés. Une dalle de pierre indique l’endroit de la sépulture. L’inscription qu’elle porte n’est plus guère lisible, mais au début du siècle, on y distinguait encore : Jeanne Laignier, décéda le 8 septembre 1636. Détail surprenant : depuis plus de trois siècles, jamais l’herbe n’a recouvert cette dalle et les habitants de Dommartin-Houtaud considèrent Jeanne Laignier comme une sainte. A la suite de ces évènements, les habitants de la paroisse décidèrent de construire en cet endroit une chapelle dédiée à la Sainte Trinité et d’y placer les statues de St Roch et de St Sébastien que l’on invoque contre les maladies contagieuses, notamment la peste. La chapelle et le cimetière sont entourés d’un mur en pierres sèches et protégés par de grands arbres.
De temps immémoriaux, les paroissiens de Dommartin se rendent en procession à Niai nion, le dimanche de la Trinité. C’est pour eux l’occasion de méditer sur l’héroïsme de Jeanne Laignier qui témoigna par son sacrifice « qu’il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Extrait du livre "histoires et traditions du Doubs"
Titre | Histoires et traditions du Doubs |
Auteur | Union des amis et usagers du Crédit agricole mutuel pour la protection de l'environnement (Besançon) |
Éditeur | " Univers, 1982 "Univers" ([Besançon] (11, Av. élisée Cusenier, 25003, cedex)) |